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2014

Quatre conférences ont eu lieu à la  La Charce

  • le 28 juin 2014 à 18 heures avec Jean-Paul AUGIER docteur en histoire contemporaine : « La mémoire huguenote du Désert et ses conséquences dans la Drôme aux XIX et XXe siècles »
  • le 5 juillet 2014 à 18 heures avec Jean MATHIOT, de l'Association d'études vaudoises et historiques du Luberon sur « l’exode des Vaudois »
  • le 12 juillet 2014 à 18 heures. Conférence et lecture « Vers la liberté... traverser l’Europe à pied... », par Johannes MELSEN chef de projet pour la France du sentier « Sur les pas des Huguenots » et le comédien Christian JEANMART.
  • le 19 juillet 2014 à 18 heures avec Marianne CARBONNIER -BURKARD maître de conférence honoraire à la faculté libre de théologie protestante de Paris : « Les huguenots et leurs mémoires d'exil ».

Résumé Conférence Jean-Paul AUGIER

La Drôme est un des plus grands foyers protestants du sud-est de la France, essentiellement composé de calvinistes. Or, ces réformés ont une mémoire différente de leurs compatriotes, dont l'histoire fondatrice, plus que la Réforme, est la période du Désert qui est celle de l'interdiction du protestantisme qui commence à la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685 et se termine à la Révolution française qui accorde, grâce à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, la liberté de conscience. Il y a une chronologie de la mémoire du Désert puisque celle-ci est très vive jusqu'à la Première guerre mondiale. L'histoire de la résistance huguenote au Désert s'inscrit dans un paysage particulier dans les terroirs protestants; elle est aussi constamment rappelée dans les discours des pasteurs ou par les nombreuses réunions commémoratives dans les anciens sites des assemblées du Désert. Cette mémoire est un marqueur culturel dans la pratique quotidienne des populations réformées qui ne se mélangent quasiment pas avec les catholiques, écoles séparées, même après les lois Ferry, cimetières différents, commerçants et médecins souvent choisis en fonction de la religion. Il y a aussi entre les deux communautés une concurrence mémorielle qui émaille les querelles dans les localités drômoises et qui resurgis lors des attaques antiprotestantes en 1870 et dans les années 1895 et 1902.

Cette mémoire du Désert va pourtant se fragiliser, l’hémorragie démographique des terroirs huguenots commence dés la fin du XIXe siècle jusqu'à la quasi disparation des terres huguenotes drômoises. La Première guerre mondiale a accéléré ce processus car elle met en concurrence dans la jeune génération l'histoire huguenote et le souvenir des guerres de tranchées. Les mariages interconfessionnels deviennent de plus en plus nombreux malgré les condamnations des synodes de la Drôme. Le réveil de la Drôme n'arrive pas à endiguer ce déclin du protestantisme drômois, les brigadiers de la Drôme participent même à l'affaiblissement culturel huguenot en opposant les membres confessants des Eglises locales et les réformés qui ne seraient protestants que par héritage. La Deuxième Guerre mondiale brouille encore davantage l'héritage du Désert, la France se reconstruit dans la mémoire de la Résistance. Les années 1960 et 1970 sont marquées à la fois par l’œcuménisme consécutif au Concile Vatican II qui rapproche catholiques et protestants et par l’accélération de la sécularisation des populations. La minorité réformée drômoise perd ses spécificités, d'une minorité culturelle, elle est devenue une minorité confessionnelle.

La conscience d'être les descendants des proscrits du Désert provoque chez les réformés de la Drôme, un engagement précoce en faveur de la République. Le républicanisme passionné des protestants drômois surgit lors de la révolte contre le coup d’État de 1851. Les protestants qui participent à cette rébellion y voient le dernier acte des guerres de religions. Ce républicanisme protestant drômois se consolide durant la première partie de la IIIe République,  grâce à un nombre important d'élus huguenots, à une influence de plus en plus marquée du Parti radical socialiste, à une acceptation de la laïcité qu'elle soit scolaire ou étatique. Les réformés drômois deviennent dreyfusards, militent pour une séparation des Eglises et de l'Etat qui sauvegardent les libertés religieuses. Entre les deux guerres, le vote des réformés drômois est de plus en plus influencé par le socialisme . La méfiance à l'égard du fascisme et du nazisme est précoce dans la presse réformée drômoise. Le dernier acte  mémoriel du Désert est sans doute la participation de nombreux réformés drômois à la Résistance et à l'accueil des juifs pendant l'occupation nazie.

CONFERENCE Jean Mathiot :

LES VAUDOIS DU LUBERON APRES 1685 : ENTRE EXIL ET RESISTANCE

En préambule : félicitations à l’équipe organisatrice pour ce projet de mise en valeur du patrimoine huguenot des Baronnies provençales, qui est à la fois mémoire du passé et tourné vers l’avenir. Vous souhaitez rattacher les Baronnies, d’une part au Luberon vaudois, d’autre part au chemin  « Sur les pas des huguenots ». Les manifestations de cet été ne sont qu’une première étape d’un projet appelé à se développer, avec la création d’une « zone de découverte »  du patrimoine huguenot dans les Baronnies, reliée au grand chemin européen de l’exode des protestants.

Les liens entre le Luberon et les Baronnies, la région d’Orpierre, de Serres et le Diois sont très anciens, en particulier à travers la voie de communication qui reliait la Provence à la Drôme, par Sault et Séderon. A la fin du XVème et au début du XVIème siècle, les mêmes circonstances historiques ont entraîné le repeuplement de nos régions par des gens venus des vallées alpines, dont beaucoup étaient vaudois, comme le montre les patronymes que l’on y retrouve et qui ont été bien étudiés par l’historien Gabriel Audisio.

Vaudois du Luberon après 1685... Ce titre apparemment simple pose beaucoup de problèmes, car, pour certains historiens, il n’y avait plus de vaudois dans le Luberon après 1560,  ceux-ci étant alors devenus protestants. Nous allons voir que les choses sont plus complexes, car d’une part, les Eglises protestantes d’origine vaudoise du Luberon ont gardé une marque propre et, d’autre part le valdéisme, c’est aussi une culture, une forme de vie sociale, qui a fortement marqué les régions où les vaudois s’étaient installés.

Alors aujourd’hui, pour pallier à des représentations trop schématiques, je voudrais éclairer un certain nombre de questions et pour cela, il me faut parcourir les siècles. Tout d’abord, qui étaient les vaudois ? Comment sont-ils arrivés dans le Luberon ? Nous allons voir ensuite la répression dont ils ont été l’objet et leur entrée dans la Réforme protestante au XVIème siècle et enfin les différentes formes de leur résistance aux XVIIème et XVIIIème siècles. On comprendra alors pourquoi et comment ils ont survécu jusqu’à nos jours!

Qui étaient les Vaudois ?

Il est étonnant que l’on parle d’eux encore aujourd’hui, car leur origine remonte au XIIème siècle, à une époque où se sont développés de nombreux mouvements religieux populaires qui, en réaction aux abus de la hiérarchie ecclésiastique  prônaient un retour à la pureté de la doctrine évangélique et au modèle de vie des premiers apôtres. C’est bien la seule dissidence religieuse du Moyen Age qui, à travers des formes diverses, selon les lieux et les époques,  soit parvenue jusqu’à nous.

Le valdéisme est né à la suite de la réforme grégorienne (réforme du Pape Grégoire VII au XIème siècle), qui a marqué l’emprise de l’Église sur toute la société, et dans le contexte du développement de la bourgeoisie communale, qui s’enrichit et est avide d’accroître ses prérogatives. Cela va susciter, en réaction, une soif de vie spirituelle et de recherche de la perfection évangélique, qui  prendra deux formes : la vie monastique (comme, par exemple le monachisme cistercien) ou la vie de disciple itinérant du Christ, à l’image des premiers apôtres.

C’est à Lyon, vers 1170, que Valdo, riche notable lyonnais, se convertit, donne ses biens aux pauvres et fait traduire certains livres de la Bible en langue populaire (le franco-provençal). Il se met à prêcher publiquement et des disciples, hommes et femmes, le suivent. Il est d’abord soutenu par l’archevêque réformateur de Lyon, le cistercien Guichard de Pontigny, et son projet de vie est approuvé par le pape Alexandre III, au IIIème concile du Latran (1179). Il obtient l’autorisation orale de prêcher et fera en 1180, au synode de Lyon, une profession de foi parfaitement orthodoxe.

Ce qui caractérise ceux que l’on appelle « les Pauvres du Christ » (ou Pauvres de Lyon), c’est une vie apostolique itinérante de prédication, dans la pauvreté totale et associant hommes et femmes. C’est la même inspiration que celle de François d’Assise, mais celui-ci ne conteste pas l’autorité des clercs et fonde un ordre religieux, alors que Valdo choisit de pratiquer l’évangile en restant dans l’état de laïc et, selon la formule du clerc anglais Map, de « suivre nu un Christ nu ».

En 1184, le mouvement va être expulsé de Lyon par le nouvel archevêque, Jean Bellesmains, qui lui reproche de s’arroger indûment le droit de prédication, réservé aux clercs. Les disciples de Valdo se dispersent  vers le sud et l’est de la France, vers la Lombardie et vers l’Allemagne et continuent leur prédication, car, disent-ils, « il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ». Ils seront excommuniés au concile de Vérone (1184) et déclarés hérétiques au IVème concile du Latran (1215).

La répression contre les vaudois

Le mouvement va alors se diffuser dans toute l’Europe et sera pourchassé par l’Inquisition à partir de 1230. Les vaudois sont  contraints à la clandestinité et deviennent ceux qu’on a appelés les « contrebandiers de l’évangile ». Ils vont s’organiser pour durer, avec une pratique familiale de la foi, la visite des prédicateurs (appelés barbes), la tenue d’un synode annuel présidé par un « majoral » élu, la distinction entre « frères » (ou maîtres) et « fidèles » (ou croyants).

Comment un mouvement religieux orthodoxe a-t-il  glissé ainsi vers le schisme et l’hérésie ? Le projet initial des vaudois n’avait rien d’hétérodoxe, sinon la volonté de prêcher l’Évangile, à tout prix, avec ou sans autorisation. L’initiative de Valdo était fatalement appelée à se radicaliser, à cause des trois principes de base qui l’inspiraient : affirmation de l’obéissance prioritaire à Dieu – mission reçue directement de Dieu et non de l’Église – nécessité de lire et de diffuser les  Écritures en langue populaire. L’Église ne pouvait que contester cette conception, non à cause du message lui-même, mais de la pratique : prêcher et commenter la Bible sans autorisation des clercs était inacceptable. D’où la création inévitable, face au raidissement de l’Église, de communautés autonomes, à caractère anti hiérarchique et anti institutionnel et une profonde aversion des vaudois à l’égard de Rome, la « Bête » de l’Apocalypse, la « Grande Prostituée ». D’où la création aussi d’une nouvelle théologie, niant la doctrine catholique romaine traditionnelle (sacerdoce, pouvoir des clefs, purgatoire, prière pour les morts, culte des saints, indulgences, etc...) et une pratique morale radicale chez les fidèles : refus du serment, de la violence, du mensonge, conformément à la lettre des Béatitudes.

Au XIVème siècle, l’Église romaine traverse une crise grave avec le grand schisme d’Occident (trois papes), qui va favoriser l’expansion des vaudois. Mais l’Inquisition va se déchaîner contre eux dans les différentes régions d’Europe et le mouvement sera alors complètement éradiqué, sauf dans certaines zones refuges de montagne : Pouilles, Calabre, Alpes, Bohème.

Pourquoi des vaudois en Provence ?

A la fin du Moyen Age, Provence et Comtat Venaissin sont en ruines : vers 1470, 40% des villages sont abandonnés. Ces zones vides attirent les flux migratoires des vallées alpines, descendant par la vallée de la Durance. Par exemple le Queyras perd un  tiers de sa population, Freyssinières, Largentière, la Vallouise 20%. Cette émigration se déroule entre 1450 et 1530.

On émigre pour échapper à la pauvreté  (vallées alpines surpeuplées), mais aussi pour fuir les persécutions de l’Inquisition pontificale et de l’archevêque d’Embrun, qui se déchaînent en 1483, 1487-88, avec l’organisation d’une véritable croisade. Celle-ci a entraîné 65% des migrations alpines en Provence. Outre le souci d’échapper à la persécution, on veut aussi profiter de conditions d’installation très favorables offertes dans les nouvelles régions.

Cela se fait sous forme d’installations individuelles (par  bail de longue durée ou accapt) ou d’actes d’habitation (convention collective d’un certain nombre de familles avec un seigneur). Celui-ci met à disposition des nouveaux arrivants des terres à bâtir et à cultiver, en échange de la promesse d’habitation, du serment de fidélité et du paiement de cens, redevances (appelées tasques) pour les terres et maisons, et de droits d’usage pour le four et le moulin. Entre 1465 et 1519, 16 actes d’habitation sont conclus dans le Luberon, ce qui entraîne une extension du terroir cultivé, une forme d’habitat dispersé avec la construction de « bastides » dans la campagne et l’aménagement du territoire que nous connaissons encore aujourd’hui.

Une trentaine de localités du Luberon sont complètement ou majoritairement vaudoises et ces émigrants gardent des liens entre eux et avec leur région d’origine (voyages, commerce, mariages).  On compte alors une trentaine de barbes dans le Luberon, avec des écoles de barbes à Murs et Mérindol. Les gens venus du Piémont se sont plutôt installés à Roussillon, Gargas, Lourmarin, Mérindol et ceux arrivant du Dauphiné plutôt dans le pays d’Aigues, au sud -est du Luberon.

Les vaudois et la Réforme protestante

On peut considérer les vaudois du XVème siècle comme une première Réforme, de par leur doctrine et leur organisation, « mater reformationis » (la mère de la Réforme), diront les réformateurs. Les idées de Luther se sont diffusées en Europe dès 1520 et les vaudois s’y sont intéressés. Le synode du Laux (1526), dans les vallées vaudoises,  a envoyé deux barbes, Guido de Calabre et Martin Gonin, d’Angrogne, pour s’informer auprès des Réformateurs. De même en 1530 le synode de Mérindol, avec les barbes Masson et Morel, qui sont allés à Strasbourg, Neuchâtel et Bâle. Nous possédons le rapport de Morel à son retour en Provence. Et même s’ils ne partagent pas toutes les thèses théologiques des Réformateurs, les vaudois sont heureux de sortir de la clandestinité et de pouvoir prêcher publiquement, selon leur vocation première.

Devant l’extension des idées nouvelles, le roi François 1er va prendre peur et persécuter les réformés dès 1531. Les arrêts royaux et ceux du Parlement d’Aix contre les vaudois se multiplient et l’inquisiteur Jean de Roma va sévir en Provence dès 1532. Lorsqu’ il interroge le barbe Griot, il apprend « qu’il y a au moins 10000 maisons infectées » dans le Luberon. Un arrêt de condamnation des vaudois (arrêt de Mérindol) est pris le 18 novembre 1540 et en avril 1545, c’est le fameux massacre de Mérindol et de 8 villages vaudois du Luberon, qui provoquera beaucoup d’indignation en Europe

En 1532, au synode de Chamforan, dans les vallées vaudoises,  la plus grande partie des vaudois vont accepter d’adhérer à la Réforme, sous l’influence de Guillaume Farel. Pour montrer leur orthodoxie, « ceux de Mérindol » vont envoyer une supplique au Parlement d’Aix (6 avril 1541) et adresseront leur profession de foi chrétienne au roi (1543). Ils vont aussi financer une nouvelle traduction de la Bible en français, réalisée par Jacques Robert (dit Olivétan), un cousin de Calvin, qui travaillera pendant trois ans dans les vallées vaudoises à cette tâche. Ainsi on peut dire que c’est à la fois l’enseignement des barbes et la diffusion des idées réformées, qui ont forgé les convictions des vaudois de cette époque.

Par cette adhésion à la Réforme de type calviniste, les vaudois ont-ils rompu avec leur passé ? Eux n’ont pas vécu cela comme une rupture avec la doctrine et pratique de leurs ancêtres, mais comme une renaissance de leur identité. Ils se désignent comme le « peuple vaudois » se rattachant à la première Église des apôtres. Ils prétendent alors que le mot vaudois  veut dire : « gens des vallées », ceux qui ont été visités dès l’origine par Saint Paul et sont restés fidèles au pur évangile. . Les Églises réformées d’origine vaudoise se considèrent alors comme  les héritières de la première Église apostolique et les inspiratrices de la Réforme, qu’elles interprètent comme l’aboutissement de leur propre tradition séculaire. Cela sera d’ailleurs reconnu par les autorités politiques et religieuses aux XVIème et XVIIème siècle et aussi, après 1685, dans les pays du Refuge. Les vaudois sont considérés comme une nation particulière et regroupés dans certains habitats.

Les communautés vaudoises du Luberon aux XVIème et XVIIème siècles

À partir de 1559-60, on compte 60 « Églises dressées » (c’est-à-dire Églises établies) dans le Luberon, avec des pasteurs venus de Genève et une organisation presbytéro-synodale (conseils d’anciens et synodes annuels). Les vaudois du Luberon utilisent souvent les églises et aussi leurs maisons pour le culte. Un synode des Églises vaudoises de Provence se tient à Mérindol en 1560 et ce village devient alors le point d’appui pour tous les réformés de Provence. En 1570, l’Édit de Saint Germain accorde deux lieux de culte pour la Provence : Forcalquier et Mérindol où un temple est construit en 1570. L’influence de la Ligue en Provence, pendant les guerres de religion, n’a pu entamer ces implantations réformées dans le Luberon.

L’Édit de Nantes (1598), tout en limitant l’exercice du culte protestant, l’a aussi protégé. Le Luberon, au XVIIème siècle, comptera 6000 protestants vaudois sur 10000 habitants. Dans chaque communauté, il y a, outre le pasteur, une école, avec un régent d’école. Malgré leur nombre et leur vitalité, les réformés du Luberon  vont connaître une existence précaire et de nombreuses entraves, comme on le voit, à travers le « livre des comptes » de l’Église de Gordes de 1620 à 1679. On y lit les tentatives d’interdiction du culte par le Parlement d’Aix, dont ils furent victimes, les procès qu’ils subirent et les vexations des troupes contre les gens et les maisons.

Restrictions et répression à partir de 1655

À cette date, les manœuvres anti réformées s’intensifient : agressivité et surveillance tatillonne de l’administration et du Parlement, arrêts d’interdiction du culte avec poursuite des contrevenants, refus d’appliquer les décisions favorables aux réformés, de la Chambre de l’Édit à Grenoble (qui juge les causes des protestants et qui est mi partie : conseillers catholiques et protestants à égalité). En 1661, commence le règne personnel de Louis XIV, qui va appliquer l’Édit de Nantes « à la rigueur ». Il envoie des commissaires exécuteurs pour effectuer des contrôles tatillons. L’arrêt royal du 4 mai 1663 va ainsi ordonner la destruction, aux frais des réformés, de tous les temples de Provence, sauf cinq (Mérindol, Le Luc, La Seyne, Manosque et Velaux).

Différents arrêts royaux sont pris peu à peu pour effacer les signes protestants dans l’espace public : interdiction des charges publiques et de certains métiers aux réformés, interdiction des assemblées publiques, des écoles, enterrements tolérés seulement à l’aube ou de nuit (avec 10 personnes maximum), missions dans les villages pour convertir les hérétiques, et enfin exclusion des réformés des Conseils de Communauté en juillet 1683.

A la veille de la Révocation de l’Édit de Nantes, la situation est catastrophique dans le Luberon pour les protestants. A Mérindol, le pasteur Théophile Poyet est mort en octobre 1684 et son collègue Etienne Villet doit s’enfuir à Orange un an plus tard. Le culte réformé est interdit le 7 juin 1685 et la destruction du temple ordonnée (coût : 1787 livres, soit le prix de 9 maisons). La communauté doit emprunter pour cette démolition. Les dragons, venant du Languedoc, entrent en Provence le 17 octobre 1685 et  se dirigent vers Eyguières, à 10km de Mérindol. Alors que faire ? Subir leurs vexations ? Partir, au risque de la prison, des galères et de la confiscation des biens ou abjurer pour sauver sa vie ? Le choix est dramatique !

Les abjurations de 1685 et leurs conséquences

A Mérindol et dans tous les villages vaudois du Luberon, les réformés se précipitent en masse à l’église « pour faire profession de la foi catholique, apostolique et romaine », avec quelquefois des restrictions dans la formulation, comme par exemple à Lacoste : « je promets de suivre toutes les vérités chrétiennes et orthodoxes que l’Église catholique enseigne, conformément à la doctrine de Jésus Christ et des apôtres ». Je ne suivrai donc pas celles non conformes à l’enseignement des premiers apôtres ! La plupart des habitants vont abjurer, sauf ceux qui  sont partis avant, soit vers des localités voisines ou vers Orange, soit vers la Hollande et l’Allemagne.

A Mérindol, on comptait 900 protestants vaudois en 1682. En 1685, 800 sont encore présents, qui vont tous abjurer (abjurations reçues à Lauris par le notaire Jacques Bosse le 20 octobre 1685). Forts de leur expérience séculaire, ils pensent que les choses vont s’arranger et qu’ils pourront bientôt reprendre leurs pratiques comme avant. C’est une abjuration « des lèvres et non du cœur » ! D’ailleurs ceux qui reçoivent les abjurations -et aussi l’intendant Morant à Aix- doutent souvent de la sincérité d’abjurations « si promptes et si générales » !

Sur les abjurations à Mérindol, nous avons le témoignage de René de Durand, petit gentilhomme du Diois, qui se trouvait alors en Provence (les voyages d’un Français exilé pour la religion – La Haye juillet 1687). Il décide de fuir la France par mer en direction de l’Angleterre, en passant par Marseille et Livourne. Il est présent à Mérindol le 21 octobre 1687, le lendemain des abjurations et voici ce qu’il écrit sur l’état d’esprit des habitants : « je trouvais ces pauvres gens dans un état lamentable, qui me fit grande compassion. Leur conscience commençait à leur reprocher le crime qu’ils avaient commis avec tant de précipitation... »

À court terme, les réformés vaudois accepteront d’aller à l’église pour les baptêmes et mariages, mais certains vont bientôt préparer leur départ. Les autres, derrière une adhésion de façade, vont répondre par l’insoumission et entamer une résistance tenace. Ce ne fut jamais une capitulation et de nombreux actes vont montrer leur fidélité à la foi de leurs ancêtres. Il y a ceux qui choisissent de rester et ceux qui décident de partir, après mûre réflexion et longue préparation...

Les fugitifs de Provence en route vers le « Refuge »

La base de données informatiques de Michelle Magdelaine (chercheuse au CNRS) constitue un énorme recueil d’informations sur les huguenots et vaudois qui ont fui la France et la Savoie, entre 1685 et la fin du siècle. Celles-ci concernent tous les pays européens qui ont accueilli des réfugiés (230000 notices, dont 135000 accessibles). On peut ainsi répondre aux questions qu’on se pose sur les fugitifs : combien étaient-ils ? Qui étaient-ils ? Comment ont-ils cheminé ? Où sont-ils allés ?

Combien sont partis ? On dénombrait en Provence en 1682, d’après une enquête officielle de l’intendant (qu’il faut un peu corriger, car certaines localités n’y sont pas mentionnées), de 7800 à 8000 réformés, dont 5000 dans le Luberon. On compte environ 1200 fugitifs (soit 16% de la population protestante), dont 740 venant du Luberon vaudois et 450 du reste de la Provence (surtout Aix, Manosque, Le Luc, Velaux).Il faut remarquer que la proportion de fuite dans le Luberon a été moins importante que dans d’autres régions, car il s’agissait de paysans attachés à leurs terres et habitués à une longue résistance devant les persécutions. A Mérindol, on dénombre 143 fugitifs répertoriés, soit 16% des protestants du lieu et 12% de l’ensemble des fugitifs de Provence.  Notons que 99 avaient abjuré en 1685, c’est-à-dire 70% de ceux qui finalement ont décidé de partir.

Qui étaient-ils ? Toutes les classes d’âge sont représentées, avec une importante proportion d’hommes jeunes (30%) et d’enfants de tous âges (30%). On compte 15% de femmes seules avec ou sans enfants. On part aussi en famille avec 1 à 3, voire 5 enfants. Sur les 740 fugitifs du Luberon, 200 patronymes sont identifiés, dont 50% d’origine vaudoise, les 2/3 de ceux-ci  étant attestés dès le XVIème siècle. Les exilés du Luberon vaudois sont majoritairement des agriculteurs ou des artisans (75%), alors que pour le reste des protestants provençaux, venus des villes, on trouve surtout des artisans du cuir ou du textile et des commerçants, ainsi que des nobles et des bourgeois (25%).

Comment ont-ils cheminé ? Les 1600 notices étudiées pour la Provence ne donnent pas d’indications sur les cheminements suivis en France, car ceux-ci étaient clandestins. Mais elles fournissent les dates de passage et les lieux d’accueil depuis Genève et la Suisse jusqu’à l’Allemagne (Francfort sur le Main). Les fugitifs provençaux sont entrés en Suisse, majoritairement par Genève, surtout en septembre-octobre 1687, pour les exilés du Luberon vaudois. Pour le reste de la Provence, les départs s’étalent de 1687 à 1690. Il s’agissait pour nos fuyards de gagner au plus vite la Savoie. Pour cela plusieurs cheminements étaient possibles : pour atteindre le Trièves et ensuite la Savoie, on pouvait emprunter la vallée du Buech ou passer  par Orpierre, les Baronnies et le Diois, en utilisant les nombreux relais protestants existants. On cheminait par groupes familiaux, en évitant les voies fréquentées et en utilisant le service de guides, venus de Savoie et chèrement rétribués, car la mission était risquée (peine de mort en cas d’arrestation)! La plupart des réfugiés huguenots sont passés par Francfort, où des recruteurs venaient les chercher pour les répartir dans les différentes régions d’accueil.

Où sont-ils allés?  On connait les destinations enregistrées à Francfort pour 437 fugitifs provençaux, dont 310 du Luberon. 53% de ceux-ci sont partis vers la Hollande et 45% pour l’Allemagne, principalement vers Berlin, le Brandebourg et la Hesse. Pour le reste de la Provence, c’est l’inverse : 57% sont partis vers l’Allemagne et 36% vers les Pays-Bas. L’ensemble des territoires allemands ont accueilli 40000 fugitifs, dont presque la moitié à Berlin et dans le Brandebourg. Les fugitifs de Mérindol se destinèrent à 80% à l’Allemagne et seulement 20% à la Hollande.

L’accueil des réfugiés en Hollande : au moins 60000 à 80000 réfugiés huguenots ont été accueillis aux Pays-Bas, dont le souverain, Guillaume III d’Orange, s’opposait à la politique de Louis XIV. Environ 300 d’entre eux ont été recrutés par la compagnie des Indes orientales à Amsterdam, pour la colonisation de la nouvelle colonie du Cap, dont une cinquantaine, presque tous agriculteurs, venaient du Luberon. Sept navires gagnèrent ainsi l’Afrique du sud en 1688. Après une longue et dangereuse traversée de 15000 km, les colons furent installés dans la vallée du Berg et à Stellenbosch, (désormais appelé Franschoek, le coin des français) où ils défrichèrent les terres, développèrent la viticulture et créèrent, au prix de beaucoup d’efforts et de dangers,  des fermes magnifiques. Ils construisirent une église, avec l’appui d’un pasteur français, Pierre Simond, originaire de Nyons, et le maître d’école, Paul Roux, venait d’Orange. Ils se battirent pour conserver le français, mais durent peu à peu s’intégrer dans la communauté hollandaise, où ils allaient participer à l’édification de la nation « afrikaner ».

L’entrée en résistance.

Après la soumission apparente des premières années, pour ceux qui avaient décidé de rester, vint rapidement l’entrée en résistance larvée, voire ouverte, dans les différents villages du Luberon. A Mérindol c’est une véritable obstruction de la part des habitants envers l’administration royale et le clergé local. En septembre 1687, l’intendant Lebret va écrire au ministre Colbert de Croissy : « les nouveaux convertis de cette province ne s’acquittent pas mieux qu’ailleurs de leurs devoirs de bons catholiques... » La situation va nécessiter des visites répétées sur place du gouverneur de Provence, Monsieur de Grignan, par exemple en 1687 pour venir chercher des déserteurs qui auraient trouvé refuge dans le village.  Plusieurs fois de l’intendant Lebret est obligé de venir à Mérindol et on va envoyer des troupes pour occuper ponctuellement le village (comme en 1689). À certaines périodes, en 1689 et 1693, tous les habitants sont assignés à résidence, ce qui dénote une situation très tendue. Les autorités royales sont obligées de mettre en place une surveillance permanente, avec la présence d’espions. En 1693, le calvaire qui a été érigé sur l’emplacement du temple démoli est détruit de nuit et les coupables ne seront jamais identifiés. Les parents ne fréquentent plus l’église et refusent d’envoyer leurs enfants au catéchisme. Ils rejettent les sacrements et les enterrements catholiques, pratiquant la sépulture « aux champs », c’est-à-dire à la campagne, dans les propriétés privées. Les parents n’envoient leurs enfants à l’école que si le maître est un « nouveau catholique », c’est-à-dire un ancien protestant, qui les éduque dans la bonne tradition. Et en 1697, ils vont protester contre le curé Gatty qui, pour remédier à cet état de choses, a fait révoquer l’ancien maître d’école et nommer à sa place  son frère. Il n’y aura plus alors que 4 ou 5 enfants à l’école ! De 1693 à 1696, l’enregistrement des actes de baptême, mariages et sépultures est interrompu. Vers la fin du siècle, la résistance va encore s’intensifier.

En 1698, un consul catholique de Mérindol écrit à l’intendant Lebret : « cette maudite racaille de huguenots ne remplit aucun devoir de catholicité... » Le 4 mai 1698, le curé de Lourmarin adresse une lettre anonyme au même et constate « le mépris que l’on fait des ordres de notre grand roi...car ceux à qui vous les adressez en tiennent fort peu de compte, ne sachant pas si on leur graisse la patte pour cela... De cent enfants, il n’en va six à la messe, ni au catéchisme et pas une fille seulement ...  J’ai cru que je ne devais pas vous cacher plus longtemps la chose, mais brûlez ce billet si vous voulez savoir toutes les semaines si ils ont fait leur devoir... » Et, vers 1700, un correspondant anonyme, sans doute le curé de La Motte d’Aigues, se plaint dans une lettre à l’archevêque d’Aix, que « ces nouveaux catholiques de la vallée d’Aigues, commenceraient de vivre en catholiques, s’ils n’en étaient empêchés  par six de leurs principaux chefs, qui sont les nommés Aumand  et Thomas, de La Motte d’Aigues, le nommé Roux, notaire à Cabrières d’Aigues, deux frères nommés Furet, de Peypin et Aillaud de Lourmarin. Ce dernier a toujours fait semblant d’être bien converti, mais sa femme et ses enfants n’ont jamais paru à l’église... Depuis la lettre que l’intendant a pris la peine de leur écrire, pour qu’ils envoient leurs enfants aux écoles, ils les empêchent au contraire d’y aller... Avant la réception de cette lettre, on voyait tous les jours quinze ou vingt garçons à l’école et encore plus au catéchisme et à la messe. Il n’y en a plus à présent qu’un seul... »

La période du « Désert »

Avec la mort de Louis XIV (1715), commence la période du Désert. Des assemblées clandestines se tiennent régulièrement dans la montagne, présidées par des pasteurs venus du Languedoc ou du Dauphiné, comme par exemple le célèbre pasteur Jacques Roger, qui va galvaniser les énergies à partir de 1719. « Le zèle des réformés se réveilla. On chantait dans les bourgs, les villes et les villages hautement la louange de Dieu... », nous dit  un mémoire du temps. Ces visites vont s’intensifier à partir de 1730. Des périodes de tolérance, par exemple avec le cardinal de Fleury, de 1726 à 1732, alternent avec des temps de répression, par exemple de 1735 à 1741 et de 1750 à 1755, selon les aléas de la politique extérieure. Ainsi, le 30 mars 1735, une assemblée nombreuse et fervente, avec le pasteur François Roux, se tient à Cabrières d’Aigues. Elle est dénoncée et 84 personnes seront inculpées, dont onze seront condamnées par contumace à des peines diverses (bannissement, confiscation des biens, galères...) La bergerie où s’était tenue l’assemblée fut démolie et le prédicant pendu sur place en effigie.

De 1741 à 1748, la surveillance va se relâcher, à cause de la guerre de Succession d’Autriche qui mobilise les troupes à l’extérieur. Différents pasteurs vont passer dans le Luberon, recevant un accueil enthousiaste  et réorganisant les Églises. Voici le récit que le pasteur Etienne Deferre a laissé de son voyage en Provence en 1744 : « je fus  visiter ces pauvres fidèles affamés de la parole de Dieu... J’ai été reçu, non pas comme un homme, mais comme un ange de Dieu.  En voyant  l’empressement avec lequel ces gens venaient des villages et hameaux pour m’entendre, on aurait dit que le Messie était arrivé dans leur contrée...Autant que j’ai pu en juger, ces descendants de vaudois, qui ont enduré tant de persécutions pour la profession de la vérité, n’ont pas entièrement dégénéré du courage et de la fermeté de leurs ancêtres. Il s’en ferait de bons soldats de Jésus-Christ... » En 1744, le synode national tenu au Désert décida donc d’accorder un pasteur itinérant qui desservirait en même temps les protestants de Provence et ceux d’Orange.

La nouvelle période de répression, qui commence en 1750, n’entamera pas les résistances, au contraire ! Voici ce qu’écrit le curé de Mérindol en 1750 : « je ne sais si, dans peu, le curé sera en sûreté dans ce lieu, tant on y tient de discours licencieux. »  Il demande l’envoi d’une compagnie, avec logement des soldats chez les séditieux. De même le Sieur Boyer d’Éguilles, d’Aix, se plaint auprès du ministre à Versailles en novembre 1750 : « il n’y a que la présence des troupes qui puisse les contenir. J’ai écrit au procureur de Mérindol de faire arrêter quelques-uns de ces ministres, mais cela me parait difficile, dans un lieu où tout est perverti et où  ils s’avertissent et se soutiennent mutuellement... »

On a gagné ! Les vaudois victorieux dans leur lutte

À partir de 1760, la répression va complètement se relâcher. Les pasteurs s’installent ouvertement à Lacoste, Lourmarin, Mérindol et les assemblées se tiennent aux portes des villages. Ainsi le protestantisme a résisté et sort même renforcé de ces cent années de lutte contre l’oppression. En témoigne la lettre qu’adresse le curé Lombard à l’évêque de Cavaillon. Celui-ci a envoyé ce « curé de choc », spécialiste des missions de conversion en Languedoc, pour remettre bon ordre dans cette paroisse réfractaire. Au bout de dix ans de vaines tentatives, voici le tableau que brosse le curé, avant de remettre sa démission : « j’ai eu la douleur, Monseigneur, de voir cette paroisse comme la Genève de Provence. L’entretien d’un ministre et d’un chantre, la continuité des assemblées aux portes du lieu, les mariages et baptêmes de ceux de la paroisse et d’une foule innombrable d’étrangers, les enterrements presque solennels en plein jour, la persécution ouverte des catholiques et l’apostasie de plusieurs d’entre eux, nommément de celle du clerc de la paroisse... ont distingué Mérindol sur tous les endroits du royaume... Sur le point d’abandonner la paroisse, je crois qu’il est de ma conscience d’informer Votre Grandeur de l’énorme licence qui y règne en fait de religion... Aujourd’hui, on a repris l’ancienne licence avec encore plus de fureur. Un nouveau ministre venu du Languedoc, joint au premier, secondés l’un et l’autre d’une dizaine de personnes du pays, m’obligent à présenter cet exposé à Votre Grandeur, avant d’abandonner cette infortunée paroisse à son mauvais sort... »

La politique de tolérance se développe dans le royaume et les élites se montrent de plus en plus hostiles à la législation anti protestante. Ainsi le procureur général du Parlement d’Aix publie un mémoire en 1775, prônant la possibilité d’un mariage civil pour les protestants. Mais il faudra attendre l’Édit de tolérance de Louis XVI, (novembre 1787), pour qu’un état-civil leur soit accordé.  La liberté de culte ne sera reconnue que le 23 août 1789. C’est seulement la Constitution du 3 septembre 1791 qui garantira à tout homme la liberté de religion et de culte.

Épilogue : la renaissance protestante à partir de la Révolution

Les villages protestants du Luberon participent activement à la préparation des États-Généraux en 1789, comme le montrent les cahiers de doléances qui nous sont parvenus. Tout en proclamant leur  fidélité à la monarchie, ils affichent une volonté de réformes sociales et politiques : égalité de tous devant l’impôt, réforme de la justice, contrôle des assemblées par des représentants des communautés, etc... Le cahier de Mérindol emploie même le terme de « révolution », dans le sens  de la nécessité d’un changement radical et proteste contre « la tyrannie » des privilégiés, qui s’opposent à toute réforme.

Après la chute de la monarchie, les élites du Luberon accueillent et soutiennent les nouvelles institutions républicaines.  Protestant rime alors avec républicain. Les nouveaux responsables des municipalités sont les mêmes que ceux des anciens Conseils de communautés. La déchristianisation ne touche pas les communautés d’origine vaudoise du Luberon et les émissaires révolutionnaires, qui s’adressent à une population catholique, ne viennent pas dans les villages protestants.

En 1793, la Convention jacobine interdira tous les cultes, mais ne les fera pas disparaître pour autant. Le Directoire (1795-1799) marque la fin de la période révolutionnaire. Sous le Consulat (1800-1804), un Concordat, assurant la prise en charge des cultes par l’État, est signé le 15 juillet 1801 avec l’Église catholique. Et la loi du 8 avril 1802, comportant les articles organiques, va organiser les cultes réformés et luthériens, sous forme d’Églises consistoriales, avec des pasteurs rétribués par l’État. L’Église consistoriale de Vaucluse a son siège à Lourmarin et compte 12 postes de pasteurs.

Les protestants sont autorisés à rebâtir leurs temples, avec l’aide financière de l’État. De 1810 à 1820, sept temples seront reconstruits, souvent à l’emplacement de celui qui avait été démoli sous Louis XIV. Le Luberon comptera en tout dix temples, chaque village vaudois ayant aussi son école protestante. La vie des paroisses protestantes du Luberon a été très riche au cours du XIXème siècle, jusqu’à la loi de séparation des Églises et de l’État, que les protestants, contrairement aux catholiques, ont acceptée, en créant des associations cultuelles, comme support des paroisses.

Pour conclure : et aujourd’hui ?

Après 800 d’existence et une histoire très mouvementée, les vaudois et le valdéisme n’ont pas disparu. Ils restent présents d’abord sous forme d’Églises. Il y a en Italie une Église vaudoise réformée dont l’influence dépasse largement ses 70000 fidèles. On trouve aussi des Églises vaudoises en Amérique du Nord (Caroline du Nord) et en Amérique du Sud, autour du Rio de la Plata (Argentine et Uruguay). En Allemagne, dans la Hesse et le Bade-Wurtemberg, un certain nombre d’Eglises, de fondation vaudoise, ont été intégrées à l’Église évangélique officielle. Chez nous, dans le Luberon, il y a aujourd’hui deux paroisses de l’Église protestante unie: celle du Nord Luberon qui a son siège à Cavaillon et celle du Sud Luberon-Val de Durance, dont le centre est à Lourmarin. Ces Eglises connaissent et revendiquent leur passé vaudois.

Mais le valdéisme, c’est aussi aujourd’hui un réseau d’associations culturelles en Allemagne, Italie et France, qui travaillent, comme l’AEVHL à Mérindol, à l’étude et à la valorisation du patrimoine vaudois. Elles entretiennent des relations régulières et se retrouvent lors de manifestations, comme  par exemple à Wurmberg, en septembre 2014, pour le rassemblement des vaudois d’Allemagne. Et chez nous, dans le Luberon, le valdéisme c’est aussi toute une population qui a forgé un territoire et une histoire qui a laissé son empreinte sur le terrain, dans la société et les mentalités.

Le valdéisme, c’est aussi un message d’une grande actualité. Les fondamentaux qu’ils ont pratiqués et gardés au cours des siècles, sous des formes diverses, gardent aujourd’hui toute leur pertinence : écoute et mise en pratique de la Parole de Dieu contenue dans la Bible – fidélité radicale aux préceptes et conseils évangéliques – engagement dans la société pour le progrès social, la liberté, l’égalité – distinction du temporel et du spirituel – conception œcuménique de l’Église – primat de la liberté de conscience. Ces valeurs sont susceptibles d’un grand écho dans notre société sécularisée.

 

                                                      Jean Mathiot – La Charce – 5 juillet 2014

Aller simple... le récit d'un voyage compliqué. Conférence du 12 juillet 2014

SUR LES PAS DES HUGUENOTS

Eyzahut, le 25 février 1686                                                                    

La situation en Dauphiné devient exécrable.

A l’Ouest comme à l’Est du Rhône après la révocation, les dragons quadrillent la région, les troupes continuent d’être cantonnées dans les maisons.

L’humiliante abjuration n’a guère changé les choses…ce sacrifice que certains ont consenti pour préserver leur famille de la ruine totale n’a servi à rien.

Le clergé catholique est exaspéré, cela fait trop longtemps qu’il a essayé par tous les moyens de ramener les Réformés à la religion du Roi, sans beaucoup de réussite.

Les rumeurs parlent d’une assemblée secrète à Bourdeaux.

Je ne m’y rendrai pas, je n’ai aucune envie de mourir martyr, d’être roué, pendu, d’aller ramer sur  les galères ou de pourrir emprisonné au donjon de Crest.

Cette tour maudite où les cachots sont tellement humides que les vêtements moisissent sur le dos des prisonniers.

Eyzahut, le 15 mars

L’idée de fuir hors du royaume m’a de nouveau empêché de dormir.

L’entreprise est périlleuse, mais le Roi n’a pas les moyens de surveiller tous les ports et toutes les frontières de France.

Cela ne fait finalement que quelques semaines de marche jusqu’à Genève.

Je pourrai y aller seul d’abord, en éclaireur, me joindre à un petit groupe, chercher un point de chute et revenir chercher David et Anne-Marie après.

Eyzahut, le 23 mars

Un petit groupe se prépare à partir : un maître de langue de Dieulefit et sa femme, un quincaillier

de La Bégude, un perruquier, un maraîcher et un officier de Montélimar, un coutelier

de la Valdaine, et puis un jeune couple de Bourdeaux, en tout nous serons neuf.

Ma famille ne m’accompagnera pas, nous en avons longuement parlé. J’irai et je reviendrai, si tout se passe bien, que l’itinéraire est bon et que je trouve un point de chute.

Il y a des rumeurs concernant le périple d’un Magnanier de Mirabel et Blacons dans la vallée de la Drôme. Il était parti seul avec sa femme, tous leurs biens sur un charreton.

Il voulait passer par le Col de Menée pour rejoindre Grenoble par le plateau.

Mal lui en prit, lors de la deuxième nuit il fut attaqué par des brigands, ils étaient six au moins,

ils lui prirent toutes ses épargnes et ils mirent le feu à son charreton.

Non seulement ils le dévalisèrent, mais ils le chevauchèrent comme un âne jusqu'à ce qu’il s’écroule et le chassèrent nu en direction de Chatillon en Diois où il parvint dans un état pitoyable le surlendemain.

Il semble évident que lors du périple que nous envisageons, les autorités ne seront pas nos seuls ennemis.

Eyzahut, le 26 mars

Le départ est prévu la nuit du 27.

Nous voyagerons parfois la nuit, parfois le jour, selon. Nous utiliserons les sentiers des colporteurs.

Les villes et les bourgs ne seront pas évités, ils représentent une chance de se noyer dans la foule.

Par contre, les villages ne seront  traversés que si un accueil est connu.

Le voyage est risqué, la sortie de la France nous est interdite, une peine de galères à vie plane sur chacune de nos têtes.                                                                                    

Eyzahut, le 27  mars                                                            

Depuis ce matin, dans le silence, Anne-Marie prépare mon sac. Des fruits, de la viande salée, du fromage de chèvre sec, du pain, quelques habits, mes attestations dans un baluchon.

Une gourde, un couteau et une hache à la ceinture.

L’ATTENTE EST LONGUE… LE CRÉPUSCULE TARDE À VENIR MALGRÉ LA SAISON…

Seul, tout au long de cette première marche, j’évite de réfléchir, par peur de retourner sur mes pas. J’arrive le dernier, plusieurs d’entre nous ont déjà voyagé une ou deux nuits.              

Cette première nuit nous suivrons les plaines du Poët jusqu’au Col de Pertuis, pour ensuite redescendre sur Dieulefit ou un couple nous rejoint

Bourdeaux, le 28 mars

Nous nous reposons pendant une partie de la matinée, le départ est fixé avant midi. Il faudra franchir le Col de la Chaudière et redescendre sur le village de la Chaudière avant la nuit si nous ne voulons pas nous perdre dans les marnes noires de Couspeau. Bien que le couple Bourdelois connaissant les cheminements locaux, nous ait  rejoint dans la matinée, il ne fait apparemment jamais bon de s’aventurer autour du massif des Trois becs la nuit, surtout qu’un orage s’annonce et que le passage dans les gorges du ruisseau de Roland pourrait devenir difficile.

Die, le 30 mars

Demain c’est jour de repos et ensuite trois longues étapes nous attendent pour franchir le Col de Menée et pouvoir rejoindre le plateau du Trièves. L’arrivée dans le Trièves est attendue par tous les membres du groupe, ce territoire représente une parenthèse dans notre périple.

Par contre le Col de Menée, le Col des Congères comme on dit ici, est encore sous la neige par endroit, et puis il y a l’histoire du magnanier qui retentit dans ma tête…

Mens, le  4 avril

Ici sur le plateau du Trièves où quasiment tout le monde adhère à la Réforme, les représentants de l’autorité royale sont peu présents.  Pas étonnant alors que les départs pour Genève soient rares. L’accueil  est ici cordial et efficace, heureusement. Depuis Die, le relief et les intempéries ont porté un coup dur à nos forces physiques.

Demain l’étape sera  courte mais selon les informations données par les colporteurs, le Pont de Cognet est à nouveau dégradé par les crues.

Saint Jean d’Hérans, le 5  avril

En cette saison, à cause de la fonte des neiges et des crues, le pont de Cognet est impraticable.

Bien plus en amont du pont un passage est organisé.

Plusieurs petits groupes attendent sur la berge quand nous arrivons.

Bien que le Drac ne soit ici pas très large, il nous est impossible de le traverser sans aide local.

Ces gens ont cependant coutume d’exiger de chaque homme qu’ils font passer de l’autre côté, aussi bien du pauvre que du riche, une pièce de monnaie et pour un cheval, ils en extorquent indignement par la force, quatre.

Si quelque voyageur refuse de céder à leur demande et de donner de l’argent, ils le frappent à coups de bâton, lui arrachent son baluchon et le fouillent.

Nous avons finalement traversé, sans chavirer, les chevaux tenus par la bride, derrière, dans l’eau, hors du bateau. Arrivés de l’autre coté c’est le maraîcher le plus heureux. Depuis Montélimar il se traine sur le dos, sept livres de graines à semer, son capital de redémarrage comme il appelle ça.  Il n’a qu’une angoisse, c’est de les mouiller, je pense qu’il préfèrerait mourir noyé que de voir ses graines germer dans son sac en toile de jute.

                                            

Grenoble, le 9 avril                                                                           

Nous sommes logés rive droite de l’Isère, sur le Quai Perrière dans une petite auberge où  nous resterons deux jours. Ensuite nous irons vers le nord en direction de la frontière avec la Savoie, toujours en empruntant les chemins à flanc de montagne.

Chambéry, le 15 avril 1686

Cheminant par des lacets difficiles, par les montagnes, les précipices, tantôt montant, tantôt descendant par des chemins tortueux, nous arrivâmes enfin en vue de la vallée où nous distinguâmes  au loin le fort de Barraux.

Un large contournement s’imposait alors.

Là, nous vîmes les premières maisons, quelques moulins, quelques vignes, une scierie…

Une campagne boisée, arrosée de rivières, bien pourvue de prés et de noyers, des champs cultivés rares, mais beaucoup de bétail et aussi de la volaille.

Nous fîmes halte devant une étable et une écurie pour les montures.

Un homme s'avança et s'informa des motifs de notre arrivée…nous étant fait reconnaître, nous fûmes immédiatement introduits.

Les bêtes nourries, abreuvées et soignées, nous montâmes vers l'habitation au-dessus.

Comme il faisait nuit, on alluma le vaste foyer; on dressa la table, on apporta du poisson cuit au beurre, et pour boisson du vin rouge, mais très âpre…tout cela fut servi sans mot dire.

Nous mangeâmes beaucoup.

Le repas terminé, on nous montra notre litière…

Après une chasse méticuleuse à des grappes de puantes punaises nous nous couchâmes vêtus.

Motz, le 19  avril 1686

Une journée entière à attendre, attendre notre passeur, nécessaire aux trois dernières étapes de notre voyage.

Alors nous avons passé la journée, à l’écart du village de Motz, cachés dans le sous-bois juste  en dessous des barres rocheuses. Nous nous sommes tous reposés, complètement éreintés par les longues marches et le manque de sommeil, l’angoisse aussi.

Le soir, un homme se présenta pour nous aider à contourner le plateau du Vuache, nous conduire jusqu’au Rhône et ensuite  jusqu'aux portes de la ville de Genève.

C’est le passeur qui nous guidera lors de nos dernières étapes !

Il encourt la peine de mort s’il est pris, mais en contrepartie, comme toujours, il entend exiger le maximum d’argent à chaque passage.

J’ai comme l’impression que c’est une corporation qui a de l’avenir.                                            

Genève, le 5 mai 1686                                                              

Cela fait deux semaines que nous sommes arrivés dans cette ville. Deux semaines et deux jours dans cette cité inconnue où l’on parle français mais qui n’est pas  française.

GENÈVE, C’EST UNE VILLE IMMENSE, PRISE COMME DANS UN  ÉTAU DEPUIS DES SIÈCLES ENTRE LE LAC ET LES TERRITOIRES DES DUCS DE SAVOIE…

Jamais les Genevois n’ont pu élargir leurs remparts, agrandir leur cité.

Ils n’ont pu accueillir un nombre croissant d’habitants qu’en construisant des bâtiments de plus en plus haut, étage après étage.

Nous ne sommes pas les seuls exilés ici. Les réfugiés arrivent par plusieurs centaines chaque mois,  pour la plupart des Français et quelques Italiens en fuite du Piémont.

Les Genevois d’ailleurs, n’apprécient pas forcément ces arrivages incessants.

Beaucoup d’artisans du textile parmi ces exilés, des manufacturiers et des marchands, des paysans aussi.

Beaucoup d’hommes, des jeunes pour la plupart, peu de femmes, quelques enfants.

La ville est surpeuplée, les lieux d’accueil pour réfugiés sont complets, on ressent la tension dans la cité. Trop de monde dans un espace réduit met les nerfs à l’épreuve...

Genève, le 8 mai

Ce matin, j’ai trouvé de quoi dormir

C’est  à coté du quartier entièrement bâti sur des pilotis plantés dans le fleuve qui sort ici du lac.

C’est un coup de chance de trouver un bas flan, nous sommes huit à partager la même couche

La plupart des réfugiés ne sont ici que de passage et ne se connaissent pas vraiment… ça va, ça vient, ça arrive, ça repart... Il y a bien une forme de solidarité entre les français mais la situation est difficile et le futur improbable, alors il faut se méfier.

Je vois que la plupart des Français repartent rapidement pour Berne par Morges et la Vallée de la Broye. D’autres visent Zurich ou Bâle. Ensuite leur chemin prend la direction des villes du Nord. Les Cantons suisses, pauvres pour la plupart, ne peuvent pas  accueillir tous ces réfugiés. Alors ils leurs donnent  une « assistance au départ » et les incitent à partir.  Il n’y a que les corps de métiers recherchés qui ont une chance de pouvoir s’installer ici de façon pérenne.                                                                                                                                                                                          

Nombreux sont les avantages qui nous attendent là-bas dans le Nord… du travail, des terres, des maisons, parfois même des crédits pour les artisans, mais la plupart d’entre-nous croient en un retournement de situation en France et ne veulent pas s’éloigner.

Ici à Genève, on sent la tension qui monte entre nous mais aussi entre nous et la population locale.  Les engueulades et les bagarres dans la rue se multiplient. D’ailleurs on nous propose un subside pour qu’on quitte la ville par le Nord, par la Porte de la Monoye.

J’espère qu’en juin, je pourrai repartir aussi à nouveau de Genève, chercher ma femme et mon fils qui sont restés au pays.

Mais ce sera probablement plus long que prévu, le temps de mettre un peu d’argent de coté.

Je suis arrivé à Genève sans le sou…le voyage a complètement consommé ma bourse de départ.

                                                                                                      

Genève, le 20  mai

                                                                                                     

Aujourd’hui, j’ai rencontré un pasteur français.  Lui, ça fait sept mois qu’il vit ici à Genève.

Il a quitté la région d’Annonay, une semaine après les événements du 18.

Comme tous  les pasteurs, il avait eu le choix entre l’abjuration et le bannissement…

et il a choisi le bannissement, en sachant qu’il avait quinze jours pour déguerpir, que ses enfants ne pourraient  pas le suivre, et qu’ils seraient retenus jusqu’à l’âge adulte dans un centre de rééducation catholique. Sa femme est restée en Vivarais, elle n’avait pas le choix.

Alors, chaque jour, depuis des mois il attend les nouveaux venus, les interroge, à l’affût de quelques récentes nouvelles de sa si lointaine famille.

Le 15 juin

Angoisse au lever ce matin, je ne retrouve plus mes attestations : ni celle du consistoire de Crest, ni celles des maîtres artisans.

J’ai beaucoup voyagé dans le passé, comme compagnon scieur de long, le document du consistoire m’a souvent rendu service dans les petits bourgs où il y avait du travail.

Je pense que pour la suite de mon voyage ce ne sera pas différent. J’ai entendu dire que plus au Nord on cherche des scieurs de long.

Il faut absolument que je retrouve ces papiers.

Là-haut je pourrai peut-être m’établir comme maître artisan…

Le 16 juin

Drame, je me suis aperçu que plusieurs de mes vêtements manquent dans mon baluchon.

Je dois me rendre à l’évidence. La chance de retrouver un jour mes attestations et mes affaires est quasiment inexistante !

En un mois je n’ai finalement réussi qu’à me faire voler mes affaires, mes papiers, et je me retrouve pauvre comme Job dans une ville hostile, sans la moindre perspective de travail,

ni le moindre argent, et où l’idée de retourner chercher ma famille s’estompe au gré des maigres repas et des nuits de cauchemars.

Il m’est impossible de retourner en France maintenant.

Est-ce qu’un jour je reverrai ma famille, ma femme, mon fils…

Depuis ce matin rien n’est moins sûr.

Genève, le 21 juin

Je dois quitter la maison avant midi, le peu d’argent qui me reste, je préfère le garder.

Hier en fin d’après-midi j’ai revu le pasteur. Nous avons longuement parlé, il m’a confirmé que beaucoup de gens se font voler leurs papiers, que les attestations sont monnayées très chères en Allemagne. Ce sont des malfaiteurs qui organisent le marché de ces laissez-passer.                                                                                                                                                                                  

Je lui ai parlé de mon éventuel départ pour Schaffhausen.

Ma situation se dégrade rapidement, je sens la maladie gagner mon corps, mais il faut que je persiste.

Je pars pour Schaffhausen, je n’ai aucun autre choix, pour trouver du travail, il me faudra  continuer jusqu’à Francfort dans la Hesse.

Pour cela je passerai par le lac de Constance où je traverserai le Rhin et ensuite je passerai par l’Est de la Forêt Noire, par :

Engen,

       Balingen,

             Rottenburg,

                  Tübingen,

                        Rutesheim,

              Würmberg,

                    Mühlacker,

                          Ötisheim

                      Bretten,

 

                            Oberderdingen,

                        Erbach,

                             Ober-Ramstadt,

                                   Dieburg,

 

         Neu-Isenburg,

                                    Mörfelden-Walldorf,

                                          Offenbach…………………………